Gérald Darmanin présente aux sénateurs sa Lopmi comme étant d'abord une cyber-révolution pour la police judiciaire
En s’appuyant sur les ressources de la révolution numérique en cours. Il veut être un «Clemenceau 2.0» : s’attaquer aux nouvelles délinquances avec des outils cyber, tel Clemenceau avec la PJ en 1907
Nous sommes le jeudi 29 septembre 2022.
Rue Bleue est une newsletter écrite pour vous par le directeur de L’Essor de la Gendarmerie nationale. L’éclairage d’un observateur civil, indépendant, attaché à la défense des personnels de l’Arme, dans la ligne de ses prédécesseurs.
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Revenons aujourd’hui sur l’audition au Sénat, le 21 septembre, devant la Commission des lois, de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, venu présenter son projet de Loi d’orientation et de programmation du Ministère de l’Intérieur, la Lopmi, qui sera débattue en priorité par notre deuxième chambre.
Le replay de ce moment mérite d’être précieusement conservé, car le ministre, très à l’aise, a fait l’effort de mettre en perspective ce document, qui avec son annexe à l’article 1, constitue un pavé bien indigeste.
L’ambition de M. Darmanin, ni plus ni moins, est de révolutionner de fonds en comble le fonctionnement non seulement de son ministère, mais également, sur le terrain, celui des gendarmes et des policiers ! En s’appuyant sur toutes les ressources de la révolution numérique en cours. Il veut être un « Clemenceau 2.0 » : s’attaquer aux nouvelles délinquances avec des outils cyber, comme Clemenceau en 1907, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, précurseur de la police judiciaire moderne.
Il a cité en exemple la réforme qu’il a mené à bien au ministère du Budget : avec impot.gouv.fr, les contribuables communiquent avec les services des impôts par internet ; avec la Lopmi, demain, s’agissant de la police judiciaire, les Français communiqueront avec les gendarmes et les policiers par internet. Ceux-ci communiquerons entre eux, grâce à un nouveau réseau radio, directement depuis leurs smartphone Néo, et la délinquance financière, qui d’ores et déjà est d’origine cyber sur la toile pour plus de 50% des affaires, sera poursuivie par des spécialistes très qualifiés recrutés en masse par le MinInt.
Il s’agit donc, pour ce jeune ministre – il aura quarante ans le 11 octobre – d’un grand projet, d’une grande ambition, qui méritera d’être attentivement suivie, dans cette newsletter, tout au long du prochain débat parlementaire, et après.
Pour ce qui est de la Gendarmerie et des gendarmes, l’écoute attentive des propos du ministre amène à penser que cette évolution/révolution s’accompagnera très vraisemblablement d’une nouvelle vague de mutualisations entre les deux forces de sécurité intérieure, les rapprochant toujours un peu plus, et rétrécissant davantage le dualisme, si cher à tous les gendarmes.
1️⃣ Le principe de la mutualisation des ressources de la Gendarmerie nationale et de la Police nationale se trouve évoqué par le ministre à plusieurs reprises :
Police du cyber espace, avec la création de 1.500 postes de “patrouilleurs cyber”
Définition de “zones de délinquance”, afin d’éviter les ruptures de compétence entre les zones Gendarmerie et les zones Police (ce qui enterre le projet de redécoupage des ZG et ZP), et création d’une direction unique de lutte contre l’insécurité dans les transports au ministère de l’intérieur
Le système radio du futur sera partagé (comme il en existe déjà un à la Préfecture de Police de Paris)
Constitution d’une “border force” pour la surveillance des frontières (avec le concours d’autres militaires)
Les hélicoptères de la Gendarmerie viendront renforcer ceux de la Sécurité civile
Les directeurs généraux de la Gendarmerie et de la Police réfléchiront ensemble à une éventuelle réforme de l’article L435-1 du Code de la sécurité intérieure qui règlemente l’usage d’une arme par les forces de sécurité intérieure (157 tirs en 2021) dans le contexte d’une forte augmentation des refus d’obtempérer, 27,609 en 2021.
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2️⃣ Ne pas réviser le découpage territorial Gendarmerie/Police, parce que le ministre dit “ qu’il n’en a pas besoin”, revient à réduire le sens et l’utilité de ce découpage :
si les escadrons de gendarmes mobiles interviennent à 80% en zone Police ; si les services de recherches de la Gendarmerie et de la Police peuvent s’abstraire des découpages territoriaux ; si les services mutualisés se multiplient ; et si le découpage actuel reste figé, indépendamment des évolutions démographiques des territoires, il deviendra difficile de comprendre pourquoi on a là un commissariat et là une brigade…
A terme, les adversaires du dualisme, qui n’est plus contesté que par M. Mélenchon, retrouveront de nouveaux arguments.
3️⃣ L’idée sous-jacente à toute mutualisation est que le regroupement permet d’améliorer les performances et de faire des économies. Les économistes parlent “d’économies d’échelle”. Mais dans les faits, et historiquement, cela est très loin d’être toujours démontré !
Car presque toujours des phénomènes induits non anticipés viennent effacer les économies supposées. En s’alourdissant, toute structure se bureaucratise… L’émulation qu’il y avait entre deux services disparait avec leur concurrence… Les contre exemples sautent aux yeux dans le domaine de l’organisation territoriale : au total, le fonctionnement des « grandes régions » coûte plus cher que celui des « petites ».
Attention à ce que la mutualisation des ressources n’aboutisse pas à la remise en cause du dualisme ! C’est notre position, à L’Essor.
Et vive les gendarmes !
Alain Dumait, directeur de L’Essor
Trois autres sujets (et autant de “tendances lourdes”) :
🟥 En Gendarmerie, la féminisation progresse et les écarts de solde diminuent.
🟥 Les forces de sécurité militaires en Italie, en Espagne, au Portugal et en France veulent accroitre leur coopération, en particulier dans la cybersécurité.
🟥 Le “fichage de masse” est une crainte légitimement partagée. Une nouvelle plainte vient d’être déposée. (Le 21 septembre, au Sénat, devant la Commission des lois, Gérald Darmanin a déclaré : “je suis opposé à la reconnaissance faciale”.)
A lire aussi :
🟥 Les cyber-gendarmes et les douaniers viennent de mettre fin à un trafic de stupéfiants d’ampleur dans les Pays-de-la-Loire. Les trafiquants vendaient leur drogue sur internet.
🟥 La Gendarmerie toujours très mobilisée, en France et sur place, en Ukraine, pour enquêter sur d’éventuels crimes de guerre.
🟥 Pas de police scientifique sans entreprises apportant des solutions et des outils aux enquêteurs. Aussi, la vie des affaires dans ce secteur est à suivre de près…
Divers faits :
🟥 Certaines brigades de gendarmerie sont plus souvent fermées qu’ouvertes au public. Exemple.
🟥 Des gendarmes refusent de payer leurs rappels de factures de gaz…
🟥 Ils étaient venus à l’aide de proches qui venaient de poignarder deux gendarmes. Six membres de la communauté des gens du voyage ont été condamnés à des peines allant de deux ans avec sursis à trois ans ferme.
Encore une... :
🟥 “Force est de constater que la légitimité même du gendarme se trouve de plus en plus contestée par une partie de la population, sous l’effet déformant du discours médiatique qui n’a de cesse de relayer et d’amplifier les récriminations des contestataires patentés, voire de célébrités qui assurent ne pas se sentir en sécurité face aux « flics »“. Il s’agit d’un court extrait d’une étude historique sur “la peur du gendarme”, publié par le Centre de recherche de l’École des officiers de la gendarmerie nationale (CreoGN), et signé par le commandant Benoit Haberbush, Docteur en histoire.
Dernière minute :
🟥 Des gendarmes de l'escadron départemental de sécurité routière (EDSR) de la Meuse sont entrés en collision avec un poids lourd, tôt ce jeudi 29 septembre 2022. Un mort et trois blessés graves sont à déplorer parmi les gendarmes.
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Voilà, c’est fini pour cette semaine.
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