Davantage de prévention permettrait de réduire les coûts de la délinquance
Les dépenses de sécurité engagées par la collectivité pour assurer la sécurité générale sont de plus en plus élevées, avec des résultats de plus en plus mauvais ! Une autre politique est possible.
Nous sommes le jeudi 5 janvier 2023. Voici le n°35 de votre newsletter Rue Bleue - Droit à la Sécurité.
Profitons tout d’abord de ce premier numéro de l’année pour vous souhaiter, à chacune et à chacun, une très bonne année 2023 !
D’abord, l’édito de la semaine.
"Il vaut mieux prévenir que guérir". Ce dicton populaire s'applique parfaitement à la sécurité publique.
1- Les dépenses de sécurité, en France, augmentent à un rythme qui n'est pas soutenable durablement.
Il existe une équipe de chercheurs du CNRS, réunie au sein du Cesdip (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales) qui, depuis près de cinquante ans, essaye de mesurer ce que nous coûtent les dépenses de sécurité, qu'elles soient publiques ou privées.
Leur dernière étude date du mois d'avril dernier. Elle est en deux parties : le coût des crimes et délits en termes de dépenses de sécurité ; l'évaluation monétaire de ces crimes et délits.
On retiendra le chiffre de 51 milliards d'euros pour les dépenses de sécurité destinées à lutter contre les crimes et délits en France en 2018.
La même étude indique que ces dépenses ont augmenté à un rythme de 12% par an depuis 2010. Ce qui donne une estimation de quelque 80 milliards d'euros en 2022. Un chiffre plus élevé que celui du budget de l'Éducation nationale la même année. Il dépassera bientôt les 100 milliards d’euros avec l'application de la Lopmi (Loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur), qui, a elle seule, prévoit un supplément de dépenses de quinze milliards d'euros.
A supposer que cette perspective soit soutenable, est-elle souhaitable? Là est toute la question…
2- Criminalité et délinquance continuent d'augmenter fortement
Avant toute chose, il convient de savoir que, dans notre beau pays, la délinquance a véritablement explosé entre le milieu des années 1960 et le début des années 1990. Le service des statistiques du ministère de l'Intérieur calcule que "le taux de criminalité en France est passé de 14,06‰ en 1949 à 62,35‰ en 2005”. (Le taux de criminalité étant la proportion des infractions constatées par les services de police et de gendarmerie, par rapport à la population totale en France, au cours d'une année civile). Sur la période considérée elle a donc été multipliée par un coefficient de 4,5 !
Depuis lors, après un léger tassement à partir de 2020, les statistiques officielles sont reparties à la hausse, en particulier pour les coups et blessures (+12% en 2021), les violences sexuelles enregistrées (+33%), les escroqueries (+15%), et les mis en cause pour usage de stupéfiants (+37%).
Bref, les services sont souvent dépassés et les résultats de leurs actions ne sont pas au rendez-vous.
3- Une autre politique, qui mette davantage en avant la prévention, est possible. Mais elle relève d'une campagne nationale, tous azimuts, poursuivie dans la durée.
Dans tous les domaines, mieux vaut prévenir que guérir.
C'est vrai pour la santé : qui ne conviendrait pas qu'une vie saine, une nourriture équilibrée, avec du sport, voire de la méditation, permet de rester en meilleure santé?
Education: qui peut nier qu'un environnement culturel familial de qualité améliore les résultats de tout enfant, indépendamment de son QI intrinsèque?
En matière de sécurité, les bienfaits de la prévention abondent aussi.
La chute importante du nombre des morts sur la route, passé de 16.500 à moins de 3.000, sur une période de cinquante ans, est dû à différents facteurs, en tête desquels les progrès techniques des véhicules, mais aussi des efforts de prévention routière (auquel le service public chargé de la sécurité routière n'est pas étranger).
La diminution des cambriolages (malgré une reprise en 2021) est due aussi à de nombreux efforts de communication et à l'équipement des ménages propriétaires.
Les dysfonctionnements liés aux manifestations revendicatives dont notre pays a fait sa spécialité ne s'expliquent-ils pas par une insuffisance de consensus social? Plus de concertations les réduirait sans doute. La réforme des retraites fait ainsi craindre des blocages dans les services publics et des débordements dans les manifestations de rue. Leur prévention relève du pouvoir politique.
Zones de non-droit. L'urbanisme des grands ensembles, vertical ou horizontal, favorise la délinquance et les trafics en tous genres. Un autre urbanisme – comme aux Pays-Bas – eut prévenu partiellement au moins ce phénomène…
Les festivités du 31 décembre et du jour de l'an se sont accompagnées de nombreux dysfonctionnements. On peut se réjouir qu'il n'y ait eu "que" 690 voitures brûlés, et "que" 490 interpellations, "que" cinq mortiers d'artifice lancés sur des casernes de Gendarmerie. Mais c'est tout de même insupportable!
Le ministre de l'Intérieur a mobilisé le maximum disponible de ses troupes, policiers et gendarmes (90.000 personnels). On a moins entendu les responsables des polices municipales.
La délinquance générale, difficile à bien cerner, est constituée de nombreux segments. Certains disparaissent, ou presque comme les braconniers, d'autres perdurent et sont mêmes sans doute éternels (prostitution, crimes passionnels, vols à la tire…). D’autres apparaissent enfin, comme la cybercriminalité.
Les bonnes politiques sont toujours des mix : communication / prévention / répression.
La clé du succès réside, on l'a déjà écrit ici, dans la présence sur le terrain, dans la prévention qui, s'agissant de la sécurité générale, relève d'une mobilisation totale, durable, à tous les niveaux, en commençant par les citoyens eux-mêmes.
Si l'on veut bien considérer le coût du crime et des délits, pour les victimes, et y ajouter celui des moyens engagés pour lutter contre eux, par toute la collectivité, il est certain qu'une politique plus affirmée de prévention ferait faire des économies à tout le monde !
La question de la semaine
(Répondre à cette "question de la semaine", c'est bien. Ajouter un commentaire personnel, en bas de cette lettre, c'est mieux ! )
Résultats de la question de notre lettre précédente, "La Cour des comptes prône de nouvelles mutualisations entre la Police nationale et la Gendarmerie. Personnellement, y êtes-vous favorable ?" :
OUI, 23% ;
NON;72%,
Ne sais pas, 4%
D’autres infos importantes
🟥 Plan de modernisation de la Justice : le ministre Dupont-Moretti s’engage à réécrire intégralement la procédure pénale.
🟥 Réforme de la Police nationale : Gérald Darmanin a annoncé aux
organisations syndicales le 3 janvier 2023 qu'il devrait recevoir "aux environs du 20 janvier" les conclusions de l'audit demandé sur les expérimentations de la réforme. Ensuite, il attendra les rapports des deux missions d'information de l'Assemblée nationale et du Sénat, prévus "début février", pour engager la concertation (selon des participants à cet entretien).
🟥 200 brigades de gendarmerie supplémentaires. Gérald Darmanin poursuit son tour de France sur le terrain. L’ancien maire de Tourcoing se présentera à la salle des fêtes de la commune de Cassel (59) en début d’après-midi, demain, vendredi 6 janvier, pour évoquer la création de nouvelles brigades avec les élus du Nord.
Trois autres divers faits :
🟥 Polynésie : un homme muni d'une machette tué par les gendarmes. Un homme âgé d'une trentaine d'années, muni d'une machette, a été tué mercredi 4 janvier par les gendarmes à Taravao, à Tahiti.
🟥 Immigration clandestine : un libyen soupçonné d'être à la tête d'un réseau de trafic de migrants transitant par le Niger vers l'Europe, a été arrêté après une enquête conjointe de policiers nigériens, français et espagnols, a-t-on appris de source policière française. Le suspect, interpellé le 20 décembre à Agadez, au nord du Niger, a assuré lors de son audition par les enquêteurs avoir fait partir "soixante migrants par semaine pendant sept ans".
🟥 Violences. Il n’y a pas que sur les routes que les gendarmes ont été mobilisés lors de la nuit du réveillon du nouvel an. À Torreilles, dans les Pyrénées-Orientales, les gendarmes ont été appelés pour un homme qui, alcoolisé, aurait blessé sa compagne avant de s’en prendre, à coups de crosse de pistolet, à neufs personnes qui auraient tenté de s’interposer. En fuite, il s’est ensuite retranché à son domicile. Au moment où les gendarmes ont tenté de prendre contact avec lui, il aurait alors ouvert le feu en direction des militaires, sans toutefois parvenir à les toucher. Puis, tandis que le renfort d’une unité spécialisée était sollicité, l’homme est finalement sorti de son domicile, et a été interpellé par les militaires d’un Psig sabre local.
À lire aussi :
🟥 À vannes (56), le 23 décembre, un individu ivre et violent a été neutralisé par un père Noël à la fois ancien gendarme et ceinture noire de judo.
🟥 On peut avoir le VIH et devenir policier. Gendarme, probablement aussi, bientôt…
La plus originale :
🟥 Quel point commun entre Miss Bretagne, la Gendarmerie, Disneyworld et Paul Bocuse ? Réponse : Andréa Denancé.
La plus belle :
🟥 Près de Lyon : un jeune se suicide, les gendarmes le réaniment…
La question du mois de L’ESSOR
En janvier, L’Essor interroge ses lecteurs sur la retraite des gendarmes qui devrait être impactée par la réforme à venir. D’où la question suivante :
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a dit, le 6 novembre 2022, à propos de la réforme des retraites: «Les policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers vont devoir travailler plus longtemps.» Êtes-vous d’accord ?
A propos de l’éditeur-rédacteur de cette lettre hebdomadaire
Alain DUMAIT, 78 ans, est journaliste depuis 1970. Il devient éditeur de journaux en 1978 et crée La Lettre A, puis plusieurs autres publications. Il a racheté L’Essor de la Gendarmerie nationale en 2012. Il a, par ailleurs, été élu à Paris, et maire du 2ème arrondissement. (Il a proposé la création d'une police municipale à Paris il y a quarante ans).
Tous nos articles précédents sont disponibles.
Voilà, c’est fini pour cette semaine.
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(Notre dernière lettre « Rue Bleue », datée du 22 décembre 2022, a été envoyée à 33.715 abonnés, et ouverte 23.881 fois. Un record ! 😊 1.297 lecteurs ont répondu à la question de la semaine ! 😊 Également un record…)